Le Grand Voyage

Le sorcier du Soleil

Cela faisait maintenant plus d’un mois que Petite fleur de la prairie, le sorcier du Soleil, méditait dans sa tente isolée en haut du rocher, surplombant le campement à son est. Depuis que nous étions arrivés sur ces nouvelles terres il ne s’approchait de la tribu pour ne « pas être perturbé ». Vivant toujours en ermite sur son rocher, priant le soleil… On entendait ses chants durant le jour et des bruits bizarres d’animaux agonisants durant la nuit. C’était sûrement les animaux qu’il nous demandait fréquemment qui étaient sacrifiés. Mais ce qui était étonnant c’est qu’avec un seul animal qui pouvait le « faire tenir » plus d’une semaine…



Souvent il nous racontait comment il arrivait à envoûter ses ennemis ou embrumer leur esprit pour qu’ils soient moins vigilants. Jamais je ne croyais cet énergumène qui me semblait plus se moquer de nous que de nous conseiller… pourtant à chaque fois ce qu’il disait faire se révélait vrais. Toujours ses cibles tombaient entre nos griffes, tels de jeunes bisons insouciants. Il avait même le don de prévoir les catastrophes et quand la terre nous « repoussait ».

Un beau matin, toute la tribu fut réveillée par des appels, que dis-je, plutôt des cris du sorcier blanc. Il portait sa tenue d’invocation et des rituels. Il se tenait là, en haut de son rocher, dans l’axe du soleil ce qui rendait la situation magique…
Quand tout le monde sortit sur la place pour écouter ce qu’il avait à dire, il planta sa lance au sol, leva les bras au ciel puis s’exprima :



-Mes frères, voilà maintenant plus d’un mois que nous sommes ici. Installés juste à côté de toutes les autres tribus. Nous sommes maintenant des milliers ! La terre nous rejète ! Nous sommes trop nombreux et elle ne pourra nous fournir assez de nourriture pour passer l’hiver ! Et le soleil m’a aussi parlé !!! Il s’enfuira durant l’hiver pour ne plus jamais revenir si nous nous entêtons à rester cloîtrés ici ! Les plantes mourront sans source de soleil, suivi par les animaux, et la fin des Hurons viendra alors !

Après avoir entendu des débuts de discours qui leurs semblaient tout a fait logiques, la menace que faisait planer sur nous le Soleil nous convaincu totalement. Nous avions une foi étonnante envers notre sorcier qui ne nous avait jamais trompé.
Je m’avança alors puis lui demanda :

-Mais où irons-nous !! Nous ne connaissons rien de ces lieux !! Comment allons nous voyager ? Sans savoir où nous irons ?

Je me retournais alors vers la tribu :

-Qui se porte volontaire pour faire l’éclaireur ?

Jim s’avança alors spontanément… Mais de suite le sorcier repris de plus belle :

-NOOOONNN MALHEUREUX !!!
Il faut partir de suite ! Si nous attendons, il sera trop tard ! Les malheurs approchent à grands pas et nous ne devons pas attendre une heure de plus !
-Mais où aller ? Quelle direction ? Quelle destination ? Demandions-nous en cœur...
-Il faut le demander à la prêtresse de la lune, la sorcière aux visions ! Elle seule peut le savoir ! Amenez-lui de suite le plus grand animal que vous puissiez capturer !répondait-il
-Avez-vous entendu ? Criais-je. Tous à cheval !! On va lui ramener un bison de suite !! Mais attention il doit être vivant !!
Mais pourquoi lui amener un animal?
-Pour qu'elle puisse lire dans ses entrailles...

…


La prêtresse de la lune

Lune-Rouge pouvait quand-à elle prévoire les actes des hommes mais non les modifier. Elle pouvait aussi voir des endroits que seul l’œil perçant de l’aigle pouvait percevoir…
Elle nous parlait souvent de ses visions. Cela me mettait en rage qu’un beau parleur, qui plus est une femme, ma propre fille même, puisse capter autant l’attention des braves. Mais il fallait avouer qu’elle disait toujours vrais.

Pendant que quelques guerriers de la tribu allaient capturer un bison, je me dépêchais de rejoindre Lune-Rouge dans son tipis. A ma grande surprise celle-ci dormait encore à poings fermés malgré tout le vacarme…



Je passais alors quelques temps à la regarder ainsi, durant son sommeil… Elle me rappelait tellement sa mère…

Petit à petit je sentais qu’elle faisait un rêve drôlement agité… elle gesticulait de plus en plus, la sueur commençait à l’envahir, puis elle se réveilla en sursaut.


-Je l’ai vuuuu !! Oui par delà les montagnes, des plaines à pertes de vue, des forets grandioses…
-Qu’est-ce qui t’arrive ? De quoi tu parle ?!Lui répondis-je étonné.
-Notre destination ! De quoi crois-tu que je parle ?
-Comment-ça ? Tu es au courant de ce qu’a dit Petite fleure ? Mais comment est-ce pos…
Je fus interrompu.
-Il faut prendre de suite le chemin du Nord ! Sans perdre de temps ! La route je ne la connais pas encore, mais cela viendra…
-Habille-toi vite, nous partons sur-le-champ !

La Nuit de Lune Rouge

Toute la tribu commençait alors à démonter le campement… le voyage commençait.

Tandis que la tribu s’affairait à la logistique du voyage, Lune Rouge s’était éloignée vers une colline. Elle observait au loin, entrant en communion avec les grand rapaces de ces contrées.




Après quelques heures à être restée là, dans la nature isolée, elle finit ce qu’elle avait à faire et prit le chemin du retour.

Le temps passait et celle-ci ne rentrait toujours pas, les membres de la tribu commençaient à s’inquiéter de son non-retour…

Je lança la tribu vers le chemin du nord et envoya quelques guerriers pour chercher ma fille…

-Faites au plus vite pour la retrouver, nous devons connaître le chemin le plus cours à prendre.

La grande file de la tribu prenaient ainsi le chemin du nord lorsque le soleil fut au plus haut dans le ciel. Après deux heures de marcher, ils finirent par tomber sur les guerriers que j’avais envoyé trouver un bison…
Ils en avaient capturé un, la bête, énorme et majestueuse se débattait violemment dans tous les sens, mais les cordages tenaient bon et les cavaliers qui le retenaient étaient déterminés… Le colosse finit par se fatiguer de se débattre ainsi. Il tomba sur les genoux, son souffle se faisait de plus en plus rauque, il n’avait plus la force de se lever…

Le Sorcier Du Soleil prit alors la parole :
-Nous camperons ici jusqu’à ce que Lune Rouge revienne. Je vais essayer de faire de ce colosse de muscles notre allié.

Tandis que le Sorcier tournoyait autour du bison en chantant dans un vieux dialecte, je n’arrêtais de songer à ma fille… pourquoi tardait-elle tant ?!


A quelques lieux de là, les 5 guerriers envoyés à sa recherches la trouvèrent enfin au lever du soleil… Une situation extrêmement gênante à leurs yeux. Elle était presque entièrement dévêtue, avec pour simple vêtement un bout de tissu que la recouvrait partiellement. Son cheval blanc était là, à quelques pas, en train de brouter comme si de rien n’était… Elle était là, en train de dormir. Ses vêtements sur le coté… elle dormait telle une jeune louve, à même le sol… sûrement qu’elle voulait être au plus près de la nature pour que celle-ci lui dise tout ce qu’elle voulait savoir. Ils étaient tous émerveillés devant une telle beauté…



Les guerriers n’osaient même pas s’en approcher, de peur qu’elle se réveille et dans un élan de colère en scalpe un…

Les minutes passaient et ils se décidèrent enfin à aller la réveiller. L’un d’entre un fut désigné par les autres. Celui-ci y allait à reculons… Il s’aperçut alors qu’elle saignait de la tête… Il appela alors les autres pour venir l’aider. Ils se précipitèrent tous à son secours, l’un hottant ses propres vêtements afin de la recouvrir, les autres voyaient alors que sa blessure n’était que superficielle, une petite écorchure dans le cuir-chevelu, ils lui mirent alors quelques herbes mélangées à un liquide spécial pour guerrier au plus vite la blessure, un dernier prit un bout de tissu de sa tunique et l’arrosant de sa gourde, il épongea ensuite le visage de Lune Rouge afin de la réveiller.

Elle ouvrit les yeux, lentement, et esquissa un sourire comme elle-seul pouvait les faire. Et commença à leur raconter ce qu’il se passa sans que personne n’ait eut le temps de prononcer un mot.

-Je rentrais durant la nuit, j’avais pris beaucoup de retard à écouter tous les signes de la terre. La lune n’était pas là, cachée par les nuages, je ne voyais presque rien, pourtant je galopais afin de rejoindre la tribu au plus vite… quand je me suis pris une branche d’arbre qui me fit tomber.
Le monde tournait alors autour de moi, mon corps brûlait sans que je ne puisse rien y faire, même en me dévêtant, je brûlais toujours autant… je brûlais… une telle chaleur… je brûlais… je brûle…

Puis elle s’évanouit à nouveau. Son corps était chaud comme la braise.
L’un des guerriers, Auray dit :

-Il faut la maintenir réveillée, où les esprits malins se joueront encore d’elle !

Sans hésiter, il lui donna une gifle qui la réveilla d’un coup.
Elle les repoussa tous et s’assit, la tête entre les mains.

-Montez tous à cheval, j’arrive.

Une fois que les guerriers furent retournés pour rejoindre leurs chevaux, elle se leva et commença à s’habiller. Elle se mit de biais par rapport aux guerriers afin d’en dévoiler le moins possible sur son anatomie, se rhabillant en ne laissant paraître qu’une fine silhouette. Les guerriers qui en s’en allant étaient en train de garder un œil protecteur sur elle étaient surpris, ébahis devant tant de beauté, devant ce mélange de pudeur et de grâce.
Ils continuaient en direction de leurs chevaux tout en jetant quelques petits regards discrets.

Ils prirent alors la route du reste de la tribu…